Pura Fé
L'émission "blues" de radio RDL Colmar animée par Jean-Luc et David BAERST

 

Pour commencer cet entretien, peux-tu me parler de ton enfance qui était déjà, je crois, très musicale ?
J’étais dans un groupe à New York City avec ma mère, sa famille et mon beau-père.  La famille de ma mère était constituée de nombreuses chanteuses, notamment ses sœurs.
De ce fait, je ne fréquentais pas l’école régulièrement. Mes cours m’étaient enseignés par des professionnels qui suivaient les enfants pratiquant un travail artistique, qu’ils soient acteurs, danseurs ou chanteurs.
Comme nous étions beaucoup sur la route, il m’arrivait aussi de me retrouver dans des écoles privées situées dans les villes que nous traversions. Ceci constitue une grande partie de mon enfance…

J’ai énormément voyagé avec des Comédies Musicales de Broadway et j’ai commencé avec des spectacles de danses amérindiennes …
Puis j’ai travaillé avec de nombreux ensembles, j’ai même eu mon propre groupe !
Bref, j’ai fréquenté de nombreux musiciens différents…

J’ai également l’expérience des grands orchestres. Ma mère a été chanteuse au sein du Duke Ellington Orchestra et j’ai eu l’occasion de voyager un peu à ses côtés. Je me souviens, d’ailleurs, très bien de certains membres originaux tels que Johnny Hodges etc…
De ce fait, j’ai été très exposée à la culture Jazz ainsi qu’au Rock et au Rythm and Blues. Bref, un peu tous les genres - comme cela peut être le cas à New York…

A l’âge de 20 ans, j’ai décidé de créer mon propre groupe vocal féminin. Nous étions trois femmes dont une de mes cousines (le fameux trio vocal amérindien Ulali, Nda). Nous chantions a capella avec, parfois, l’adjonction de percussions. Nous avons voyagé pendant de nombreuses années et avons chanté avec Robbie Robertson (songwriter, guitariste, chanteur, membre fondateur du groupe mythique « The Band », Nda)  sur l’un de ses albums (« Music For The Native Americans», Nda ).
Nous avons partagé la scène avec de nombreuses personnes, fait les chœurs derrière beaucoup d’artistes ou encore chanté pour des bandes originales de films.

Il y a quelques années, j’ai décidé de me lancer dans l’apprentissage de la guitare et d’écrire ma propre musique. J’ai également déménagé en Caroline du Nord d’où est originaire la famille de ma mère. J’ai donc travaillé au sein de cette communauté constituée de  40.000 indiens !
Je suis issue de la nation Tuscarora par ma mère bien que je sois métissée. J’ai du sang noir et irlandais qui coule dans mes veines. Le fait de travailler avec cette communauté a été, pour moi, un grand retour aux sources. J’ai appris les chants et les danses Tuscarora traditionnelles à de nombreux jeunes avec lesquels j’ai pu voyager.
Ainsi nous nous sommes produits au New-Orleans Jazz Festival et dans de nombreuses autres manifestations.

Par la suite, j’ai intégré la compagnie de disques Music Maker, elle aussi, située en Caroline du Nord. Le label européen Dixiefrog a décidé de faire connaître ces artistes en Europe et aujourd’hui me voici ici…
Cela fait 3 ans que je reviens régulièrement en France et dans différentes parties de l’Europe. C’est vraiment formidable (rires) !

C’est extraordinaire, tu viens de répondre à 5 questions en 1 seule (rires) ! Pour toi, quelle est l’importance du Blues dans la culture amérindienne ?
La part du Blues dans notre culture remonte au temps de l’esclavagisme. Ensemble, de nombreux indiens et noirs étaient amenés à travailler dans les plantations.
Cette musique a été créée suite à cette expérience. Je ne pourrais pas te dire quel est l’apport des indiens dans le Blues, ce serait à des  musicologues de le définir…

Par contre, je peux te dire qu’il y a beaucoup de similitudes entre les cultures noires et amérindiennes qui se retrouvent dans le Blues. Cette musique est constituée de tant d’apports provenant, en grande partie, du sud est des USA.

Le rythme « shuffle » (Pura Fe’ se met alors à interpréter un shuffle, Nda)  est présent dans de nombreuses musiques. (elle chantonne alors l’intro de « Mannish Boys » de Muddy Waters, Nda) Ce rythme est, par exemple, typiquement indien. Tout comme on en retrouve sur de nombreuses chansons de Bo Diddley qui s’est vraiment inspiré pour cela de chants traditionnels indiens et des fameuses « Stomp Dances ».
On retrouve également cela à La Nouvelle Orléans, par exemple à Mardi Gras avec le Mardi Gras des indiens (créé à la fin du 19ème siècle dans les quartiers noirs de la ville, Nda)…

Il y a un vrai lien entre toutes ces personnes, c’est quelque chose qui coule dans le sang. Il devient très difficile de déterminer les provenances exactes de tous ces sons. Tout cela est vraiment issu d’une participation commune…

Pourquoi t’es-tu orientée vers la guitare slide et en joues-tu depuis longtemps ?
Non j’ai commencé à jouer de la guitare slide il y a environ 4 ans, c’était en 2004. Pour mon premier album enregistré pour Music Maker (distribué par Dixiefrog en Europe, Nda) « Tuscarora Nation Blues »,  je devais jouer en slide depuis peut-être 3 ou 4 mois (rires). C’est vraiment fou…

J’avais, depuis plusieurs années, planifié d’enregistrer un album solo. Au dernier moment, j’ai décidé de faire moi-même les parties de guitare. Parmi les artistes qui m’ont influencée pour cela, il y a Kelly Joe Phelps (voir son interview ICI) que j’ai rencontré lors d’un workshop auquel je participais avec mon groupe. Il était assis à ma droite et je ne l’avais jamais entendu auparavant. Lorsqu’il s’est mis à jouer je me suis dit « Waouh ! ».

Tout ce qu’il interprétait résonnait profondément en moi. Il m’a été très facile de m’y mettre et d’apprendre. Je crois qu’il m’était déjà arrivé d’entendre jouer de la guitare slide dans une église mais Kelly Joe est vraiment ma plus grande source d’inspiration.

Que représente pour toi la Fondation Music Maker ?
Cette Fondation fait énormément pour les musiciens qui ne trouvent pas d’endroits où jouer ou qui n’arrivent pas à se faire entendre. Elle permet aux gens de continuer à se produire et ainsi permettre au Blues de rester vivant. L’association apporte son soutien à de nombreux musiciens formidables, un acte que Dixiefrog relaye remarquablement bien en Europe…

Conserves-tu  des contacts réguliers avec Tim Duffy (créateur de Music Maker, Nda, voir interview ICI) et d’autres artistes de la Fondation ?
Oui bien sûr, nous voyageons et travaillons ensemble très régulièrement…

Comment s’est faite, pour toi, la connexion avec Dixiefrog en Europe ?
Toujours via Music Maker qui avait été approchée par Dixiefrog afin de travailler ensemble, notamment au niveau de la distribution. Cela avait commencé par une compilation regroupant plusieurs artistes. Au fur et à mesure, Nueva Onda, qui travaille avec Dixiefrog, est devenu notre tourneur en Europe…

Quelle est ta propre définition de ta musique et quels thèmes aimes-tu aborder ?
La définition de ma musique… Cela est très variable et ce n’est pas une chose aisée à dire car il y a tant de choses que j’essaye de concentrer…
La première chose étant, peut-être, de respecter ma culture ancestrale tout en parlant de l’humanité. Il y a, en effet, beaucoup de choses qui se passent actuellement dans de nombreux endroits qui sont très mauvaises pour nous tous. J’aimerais tant que les gens se réunissent pour dire stop à cette grande machine qui entraîne les guerres. Malheureusement, le commun des mortels n’a pas le choix…

Il devient très important que les peuples se soulèvent enfin dans le but de changer les choses, de s’entraider et de devenir solidaires. Je n’aime pas ce qu’il se passe aujourd’hui dans le monde et j’aimerais que les gens puissent s’exprimer davantage…
Mon travail est, en partie, politique, bien que mon deuxième album (« Hold The Rain », Nda) le soit moins que le premier qui donnait la parole au peuple amérindien. Cependant, il m’est redevenu indispensable d’évoquer certains sujets partout à travers le globe.

Te considères-tu, alors, comme une « protest-singer » ?
Oui, absolument !
Je suis définitivement devenue une personne qui proteste énergiquement (rires) !
J’espère vraiment que mon prochain album sera encore plus représentatif de cette partie de ma personnalité.

Je te compare, un peu, à une Odetta amérindienne (Odetta : grande chanteuse noir de Folk, inspiratrice de Bob Dylan qui a beaucoup lutté pour les communautés minoritaires américaines depuis les années 1950, Nda, voir interview ICI) amérindienne. Est-ce une comparaison flatteuse pour toi ?
Oh, c’est une chanteuse que j’ai beaucoup écoutée dans mon adolescence !
Cependant je ne sais pas si on peut vraiment me comparer à une autre artiste. Je suis, simplement, un autre humain qui a quelque chose à dire et qui a sa propre vision des sujets actuels.

Quel serait ton rêve pour le futur ?
J’ai beaucoup de rêves…
(Longue hésitation)… Je voudrais que tant de choses changent à travers le monde, bien que je sache que cela est impossible…
J’aimerais que les gens ne soient plus considérés comme des objets, que les frontières disparaissent.

Ce que je souhaite le plus est qu’il n’y ait plus de militaires mais plus d’éducation, qu’on aide les gens à guérir de tous les maux que la terre a engendrés. J’espère aussi que les femmes prendront plus position car plus la concentration d’hommes est importante, plus le risque de guerres est grand.
Les femmes doivent s’y opposer. Si tu n’as pas un conglomérat d’énergies communes, tu ne pourras pas pouvoir faire le nécessaire pour venir en aide aux gens. Il faudrait que le maximum de personnes s’unissent  afin d’équilibrer cette balance…

Je rêve tant de moins de violence et d’un monde meilleur… mais c’est un rêve (rires) !

En conclusion, que souhaiterais-tu dire à ton auditoire français ?
Je suis très contente du public français…
Il est très sensible à ma voix et je n’ai jamais reçu un accueil aussi chaleureux de la part du public américain. Il est également plus ouvert aux diverses revendications que je peux soulever.

Mes propos, parfois politiques, pourraient fermer la porte à ma carrière aux USA (rires) !
Ici les gens sont sensibles à mes messages, à mes chansons, je leur en suis très reconnaissante !

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Interview réalisée à

Pôle Sud Strasbourg

le 6 mai 2008

Propos recueillis par David BAERST

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